lundi 26 mars 2007

danser sur la chaussée




On ne s'attend jamais à rencontrer un corps allongé au milieu de la rue. Elle en riait peut-être, elle, ses amis plus sûrement – ivres.


Le frein à main devait être mal serré. Je me suis retourné et j'ai vu ma voiture partir, tranquillement, s'écraser contre un mur. J'ai couru, j'ai sauté dans l'habitacle. La porte s'est refermée sur ma jambe. Une seconde de plus, elle y restait coincée. Et je n'ai pas évité le mur.


Elle s'est découpée dans la nuit d'hiver, éclatante dans ses haillons, elle s'est avancée dans les phares et d'une voix fragile elle m'a dit : « Vous pouvez m'aider, s'il vous plait ? » Je lui ai trouvé un abri pour la nuit, elle m'en a remercié et cela a été un peu de chaleur qui s'est accrochée à mon cœur. Je n'ai pas voulu savoir ce qu'elle faisait là ni ce qu'était la tristesse dans ses yeux. Je la vois encore s'avancer vers moi, douce et désespérée – elle était belle.


Putain de brouillard ! Le chien, je ne l'ai vu qu'au dernier moment, au moment de l'impact. Il a éclaté mon pare-choc. Putain de brouillard !


Chaque fois je la sens, chaque fois c'est comme une présence dans mon dos ; cette foutue main me glace le sang. Elle n'est pourtant qu'un heurtoir adossé à une porte cochère mais jamais je n'ai pu me faire une raison, jamais je n'ai pu la toucher, ne serait-ce qu'effleurer ses doigts de métal froid. Non, c'est un frisson toujours et qui m'effraie.


Rien à faire. Deux heures déjà que je joue sur des œufs quand soudain la voiture m'échappe, elle glisse sur la route, et je n'ai rien à faire sinon la regarder danser sur la chaussée_– au ralenti sur le verglas.