samedi 24 mars 2007

sur le bord de la route


Il y avait des boîtes aux lettres de toutes sortes,
Et puis des trottoirs qu'on prenait comme ci ou bien comme ça,
Des flaques de graviers à éviter pour ne pas glisser,
Des murs à frôler,
Dix centimètres ou cinq,
Des heures durant,
À défier la nuit,
À déjouer ses pièges,
Des heures durant.

Et puis au final, l'improbable puzzle s'est mis en place, mais je dois l'admettre, malgré moi. Mon cerveau a travaillé seul à cette entreprise, j'étais pour lui comme un parasite, une bestiole qui n'était bonne qu'à le déconcentrer dans sa tâche. Du coup, il m'a laissé sur le bord de la route en préférant miser sur la mécanique de son paquet de neurones. Eux seuls ont su tisser le fil d'Ariane qui me guide désormais chaque nuit mais m'enferme d'autant car je ne connais plus de la ville que cette ligne directrice tracée aux pleins phares, le reste a sombré dans le noir.

Quand une nuit et pour une seconde d'inattention seulement je suis sorti du sacro-saint parcours, quelques mètres ont suffi à me faire basculer dans un autre monde. Je me suis retrouvé instantanément déconnecté de la réalité, comme quand on se réveille d'un cauchemar et qu'on tarde à retrouver ses esprits, je ne savais plus ni où j'étais ni ce que j'y faisais. Cela s'est passé ainsi, oui ! Tout un monde s'était écroulé sous mes yeux et sans aucune transition, aussi brutalement qu'une bobine de film qui se casse. Pris de panique, j'ai écrasé la pédale de frein et je me suis arrêté au milieu de la rue comme effondré par je ne sais quel mal. Je me souviens encore de ma tête sur le volant.
Je me souviens de cette frayeur inouïe, des frissons qui ont parcouru mon corps et qui mettraient plusieurs minutes à disparaître. Cette nuit-là j'ai compris que l'enfer n'était pas loin, qu'il était à portée de mains.